L’honorable Monsieur Derrière
Dans mon apprentissage quotidien du Japonais, j’apprends à parler aux bébés. En effet, la mère de Ryoko garde son petit fils le weekend car sa fille travaille (pas Ryôko, sa soeur aînée). Le petit Julian (oui, ça n’est pas très japonais comme prénom mais son père est australien alors…), qui est toujours content de vivre, vient d’avoir un an. Sa mère lui parle en anglais et en japonais, moi en anglais et sa grand-mère en japonais. Et j’avoue que le japonais pour petits nenfants est assez amusant. Comme chez nous il y a des petits mots simples à double syllabe identique : jiji (grand-père… le mot plus formel est ojii-san), nene (ça c’est pour moi car je suis Yumi ne-chan : Yumi grande soeur). Mais ce que je préfère ce sont tous les mots suivis de -san que la mère de Ryôko utilise. Par exemple, à la fenêtre il y a suzume-san (monsieur moineau) ou neko-san (monsieur chat). Tout est « monsieur quelque chose ». Le meilleur de tous est oshiri-san quand elle lui change sa couche.
Oshiri-san est formé de trois parties : o (qui est un préfixe d’honorabilité qu’on ne doit normalement pas traduire littéralement mais qui a donné par le passé le fameux « honorable client », qui se dit en japonais okyaku-sama, en fait littéralement « honorable maître client ». Dans la vie quotidienne les employés de magasin vous appellent comme ça, même les gens de la photocopie à la bibliothèque !). Ensuite vient shiri qui est le mot « fesses » ou « derrière » puis -san que vous connaissez et qu’on traduit en français par « monsieur » ou « madame ».
Donc littéralement quand la mère de Ryôko parle à Julian de son derrière en lui changeant sa couche, elle lui dit « l’honorable monsieur derrière ».
Le japonais fourmille de petites choses comme ça que j’adore et qui sont si différentes du français. Par exemple, en français je déteste les gens (il y en a pas mal en Normandie, au sud de Rouen) qui au lieu de dire « tu » ou « vous » pour vous adresser la parole disent « elle ». « Elle va bien ce matin ? ». J’ai vraiment horreur de ça. Pourtant en espagnol et en italien ça ne me pose pas de problème alors que c’est la même chose. La forme de vouvoiement singulier est la troisième personne du singulier. En japonais c’est pareil. On apprend en cours au début que anata c’est « tu » mais en fait il ne faut pas l’utiliser directement. C’est impoli de désigner les gens par des pronoms directement. Par exemple, quand Ryôko me parle, elle dit « Yumi » à la place de « tu ». Même quand elle parle d’elle, elle dit « Ryôko ». Par contre on peut utiliser un pronom quand on parle d’une tierce personne qui n’est pas là (kare = lui ou kanojo = elle). Cependant, la mère de Ryôko, quand elle me parle de son mari, elle dit ano hito (cette personne). Au début, j’avais du mal à saisir de qui elle parlait !
Et puis il y a la manière d’appeler les gens au quotidien dans la famille. Entre les diminutifs (Ryôko devient Ryô-chan, sa soeur Miyako devient Miya-chan et la mère de Ryôko appelle son mari Yu-chan (son prénom est Yuichiro) alors qu’il a 60 ans environ). Julian n’a qu’un an mais c’est Julian-kun (alors que ça pourrait etre -chan). Il y a trois ans, Ryôko appelait son copain Ichi-kun (ce qui est diminutif de son nom de famille) alors que maintenant elle l’appelle Ma-kun (ce qui est un diminutif de son prénom). Personnellement je l’appelle Ichi-kun parce que Ma-kun ca me parait un peu trop intime vu que Ryôko l’appelle comme ça ^___^. Et moi au milieu de la famille, j’appelle les parents de Ryôko comment ? Si je dis leur nom de famille avec -san derriere, ça peut désigner aussi bien sa mère que son père et c’est également très formel genre je ne les connais pas bien. Donc j’ai opté pour la solution familiale : Otou-san et Okaa-san (papa et maman). Donc au quotidien je dis « maman » et « papa » à des gens qui ne sont pas mes parents mais en japonais tout est normal. Quand je veux parler de mes propres parents je dis uchi no otousan ou uchi no okaasan (litteralement « le père de chez moi » et « la mère de chez moi » : mon père et ma mère).
Il ne me reste plus qu’à travailler le langage de déference utilisé par les vendeurs et les serveurs. Car comme le client est roi, il s’adresse aux vendeurs, employés, serveurs etc… en language poli (la forme en -masu, pour ceux qui connaissent) alors que les employés eux utilisent le language de déférence (encore plus poli) qui a la particularité, outre de coller des o- et go- (prefixes de déférence) partout, d’utiliser des verbes differents de ceux qu’on apprend en classe, les fameux verbes de déference. Un exemple : le verbe être en forme polie est desu, en language de déférence cela devient gozaimasu. Que du bonheur.
Ce message a originellement été publié le 02 septembre 2006