Lao-tseu l’a dit…
… il faut trouver la voie…
Oui, moi aussi j’ai été « traumatisée » par cette fameuse réplique dans « Le Lotus Bleu » ^_^ Réplique que nous connaissons tous (ou presque) sans trop bien savoir à quoi elle se réfère.
Elle se réfère au Tao (ou Dao en pinyin, dô en japonais), que l’on traduit en général par « la Voie », à défaut de pouvoir le traduire vraiment, mais qui désigne aussi la « doctrine » ou le « Principe ». C’est à la base un concept métaphysique, ayant donné naissance à une religion, dont les bases auraient été posées par le Tao Te King (Dao De Jing en pinyin, le Livre de la Voie et la Vertu) de Lao-tseu (Laozi) vers le VIè siècle avant notre ère. J’écris « auraient été posées » car si le Tao Te King existe bien en tant qu’ouvrage, sa date de rédaction ainsi que l’existence historique même de Lao Tseu sont sujettes à caution. Les plus anciens fragments connus de ce texte datent du IIIè siècle avant notre ère. Il s’agit d’un recueil d’aphorismes dont le sens et l’interprétation sont toujours sujets à débats. Il est complété par le Tchouang-tseu (Zhuangzi) du nom de son auteur qui vécut au IVè siècle avant notre ère et qui est un recueil de contes philosophiques (en fait les dernières recherches tendent vers une antériorité du Tchouang-tseu sur le Tao Te King mais c’est une autre histoire ^_^).
Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances à propos de toute l’étendue de ce qu’on appelle le taoïsme, je vous renvoie tout simplement à l’article de Wikipedia, qui est très dense et bien documenté, comme base de départ.
Mon but n’est pas ici de discourir sur le taoïsme mais de définir brièvement le Tao et de vous expliquer en quoi il a influencé le Bouddhisme Chan et, par extension, le Bouddhisme Zen.
Le Tao désigne l’essence primordiale, la nature fondamentale de l’univers qu’on ne peut ni décrire, ni nommer. Car selon Lao-tseu : « Le Tao qui peut être exprimé par des mots, n’est pas le véritable Tao ». Ce qu’on peut nommer sont des manifestations du Tao. Mais le Tao peut être reconnu et on peut en faire l’expérience, on peut aussi suivre ses principes en abservant la nature.
L’idée que sous-tend le Tao est celle du mouvement et du devenir. Car rien dans l’univers n’est tout à fait immobile, ni parfait, tout est en mouvement perpétuel, c’est l’ordre natuel, le cours perpétuel de la vie qui ne s’arrête jamais. Or, la notion de perfection et d’immobilités sont des conceptions purement humaines, en contradiction avec l’ordre naturel et c’est précisément de chercher la perfection, de vouloir constamment retenir les choses, les êtres, les moments, de vouloir les posséder qui fait la souffrance de l’homme. Seul un être qui accepte le changement perpétuel et qui s’y adapte peut trouver la paix et la sagesse.
Cette conception est liée au concept de wu-wei, que l’on traduit en général par « non-action » mais qui se réfère plutôt à l’art de maîtriser les évènements sans s’opposer à eux. En gros, suivre le Tao n’est pas rester passif, ne rien faire, c’est suivre le mouvement de la vie et de l’univers et influer dessus sans s’y opposer. Comme par exemple un pratiquant du ju-jitsu ou de l’aikido qui retourne la force de son asssaillant contre lui, non en s’opposant frontalement à l’attaque, mais en se servant du mouvement de cette attaque. Celui qui suit la Voie change les choses en les acceptant (positif) et non en les refusant (négatif).
C’est en cela que le Tao a influencé le Bouddhisme Chan (et donc Zen) en Chine. Le Bouddhisme qui propose une voie pour abolir toute souffrance et le Chan qui lui aussi se rit du monde phénoménal, des théories, des discours et des fabrications intellectuelles humaines, comme évoqué ici. Et la figure du vieux maître zen assénant à ses disciples des phrases au sens obscur est directement dérivée de celle du vieux maître chinois en arts martiaux qui essaie de montrer la Voie à son disciple.